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8 février 2010

Le Maître des âmes

Le maître des âmes

 

Me revoici chez Irène Némirovsky, m’étant ménagé une longue pause pour retrouver un état d’esprit frais, sans rechercher dans ces  nouvelles pages les émotions ressenties en découvrant Ida et  la comédie bourgeoise, deux nouvelles dont je vous ai entretenus l’hiver passé.

 

L’effet en est fort différent, et les deux opus difficilement comparables, ce qui est tant mieux.

Nous pénétrons cette fois dans l’histoire de Dario Asfar, figure reconnue du « juif errant », du Maudit rattrapé par une misère intrinsèque, malgré les combats successifs qu’il mène pour s’intégrer au monde choisi et tourner  définitivement le dos à la pauvreté collante héritée de ses origines.

 

De luttes sordides  en combats sociaux, malgré la présence de Clara, son amour d’enfance qui l’a suivi dans son exil et le soutient tout au long des épreuves, lui prodiguant le courage et la motivation nécessaires pour affronter les obstacles, Dario perd ses illusions et sa conscience,  tel le nouveau Faust du XXème siècle, jusqu’à la perte de l’estime de soi dans le regard de son propre fils.

 

Nous reconnaissons tous ce thème de l’impossible intégration pour celui qui reste encore et toujours un étranger. L’étranger, celui qui ne sera jamais comme nous, bien que nous lui devions parfois la vie, ou celle d’un proche. C’était sans doute le combat d’Irène Némirovsky, bien placée pour évoquer cette fatalité, destinée à la payer au prix fort.

 

Il n’est pas question encore ici de politique et d’idéaux fascisants, l’auteur n’évoque que les affres de son personnage et son parcours extraordinairement solitaire. Pour être franche, j’ai même ressenti un curieux malaise en lisant certaines descriptions du personnage principal, une ambiguïté subtile et presque malsaine, une exposition complaisante et convenue  des travers physiques et mentaux de Dario, qui nous oblige à revenir au contexte historique et chronologique de la création et l’édition du récit.  Ce sont en effet les pages littéraires du périodique Gringoire qui accueillent l’édition du récit sous  la forme d’un feuilleton, et l’évolution éditorialiste du journal justifie peut-être les allusions quasi antisémites de l’auteur.

 Concernant les conditions d’édition,se reporter notamment aux pages de Wikipédia

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gringoire

très claires et suffisantes, mais aussi à la préface de l’édition de poche folio, signée par Olivier Philipponnat et Patrick Lienhardt.

On comprend mieux dès lors certaines périodes répétitives qui alourdissent le récit, entravant la dynamique naturelle des événements, et ce sentiment de désuétude idéologique qui n’apparaît pas du tout dans l’ouvrage que j’ai lu précédemment, tout au contraire. Malgré le thème toujours actuel ô combien et si cruel, en ces sombres années de quota migratoire, le roman perd sa force percutante. À son désavantage,  l’accès au roman se greffe  d’une connotation surannée, comme un relent de racisme ranci qu’on espérait définitivement dissous. Toutefois, à travers une lecture au second degré, cette œuvre peut susciter des réactions  pour réactualiser et élargir le débat.  

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